Euroglider, le point sur le projet d'après Vol à Voile Magasine
vec l'autorisation de son auteur, Jean MOLVEAU, l'AEDEVV reproduit ci-dessous le contenu de l'article faisant le point sur le projet Euroglider paru dans la revue Vol à Voile de septembre - octobre.
urant le Salon du Bourget, une conférence de presse organisée par le groupe ISAE, Dassault-Aviation et l’AEDEVV a dévoilé la maquette en impression 3D de l’Euroglider, futur planeur école à propulsion électrique.
’est l’apanage des ailes silencieuses, comme on qualifié souvent le vol à voile : le projet Euroglider avance sans faire de bruit. Il poursuit sa gestation de manière nominale. Sa ligne de conduite n’est pas celle d’une innovation disruptive, elle est au contraire raisonnée car au service d’une discipline qui a ses exigences et sa culture…
Renouveler le planeur-école
’Association européenne pour le développement du vol à voile, présidée par Joël Denis, porte le projet Euroglider depuis 2014. Elle compte dans ses rangs des vélivoles – et certains sont ingénieurs – conscients notamment des contraintes temporelles et financières de la formation à la pratique du vol à voile. « L’AEDEVV n’a pas de business plan, elle ne sera pas elle-même le constructeur, c’est juste un think-tank travaillant pour l’avenir du vol à voile » énonce Joël Denis. Un planeur biplace spécialement dédié à la formation abinitio, à propulsion électrique, pourrait révolutionner l’enseignement du pilotage, qui plus est avec des perspectives économiques et environnementales intéressantes. Voilà de quoi échafauder un projet étudiant, mais avec des implications pratiques. L’AEDEVV a donc élaboré les grandes lignes d’un cahier des charges reposant sur l’évident constat que le vol à voile est tributaire de l’énergie des ascendances, « d’où, pour la formation de base, le choix d’une machine autonome, pouvant se passer des conditions météo habituelles pour donner une leçon de pilotage. » Avec le constat que les constructeurs actuels sont davantage orientés vers la performance, cet état de fait ayant pour corollaire que les planeurs biplaces motorisés ne sont guère adaptés à l’enseignement de base. L’association a donc souhaité partir d’une feuille blanche, s’aidant de référentiels techniques :
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- le besoin de formation et la mise en oeuvre/utilisation de la machine ;
- la cellule et les systèmes (énergie,structure) : orientation vers un projet industrialisable ;
- le cadre réglementaire et environnemental (projet européen Clean Sky) ;
- les données économiques.
Un cahier des charges en multiples points a été défini, entre autres :
- autonomie de mise en oeuvre, faisant appel à la « fée électricité » : montée possible à 1 200 m pour pallier d’éventuelles conditions météorologiques défavorables (absence d’ascendances). Ceci donne en outre la possibilité de déporter la formation, ailleurs que sur des terrains de vol à voile ;
- toutes les caractéristiques de pilotage et qualités de vol d’un planeur de formation usuel ;
- ergonomie des deux postes de pilotage : en tandem ;
- groupe motopropulseur innovant, conception de la structure en composites ;
- recherche d’une réduction de la durée de la formation, et baisse des coûts d’exploitation de l’aéronef ;
- orientation dès l’origine vers un projet opérationnel, industrialisable, prenant en considération l’expérience et les contraintes de l’utilisateur – le club de vol à voile.
Projet étudiant et programme industriel
es parties prenantes de l’Euroglider sont tournées vers l’innovation et ont à coeur de mettre leur expertise au service de projets d’avenir dans le secteur aéronautique. Pour l’AEDEVV, selon Joël Denis, « l’Euroglider est conçu pour être un outil de réponse très concret et opérationnel à un triple enjeu pour les structures de formation : la réduction de la durée de la formation, la simplification de la pratique et la réduction des coûts ».
« Chez Dassault-Aviation, l’Euroglider est traité comme un vrai programme » explique Julien Henry, vélivole que l’on ne présente plus et référent chez l’avionneur. Six à huit ingénieurs référents y participent, mais à la différence du Centrair Marianne sorti voici trois décennies, tous sont vélivoles. Ils sont évidemment en liaison avec ceux qui sont adhérents à l’AEDEVV, et ils encadrent les travaux des étudiants de l’ISAE. L’avionneur est intéressé par l’identification des compétences et de la créativité. L’Euroglider y est vu comme un « innovation lab » dont les enseignements sont précieux.
Le groupe ISAE, formé en 2011, regroupe Sup’Aéro, l’ENSMA, l’ESTACA et l’École de l’Air. Des élèves-ingénieurs et leurs professeurs – environ une soixantaine par année – des quatre écoles travaillent sur l’Euroglider. « C’est un projet fédérateur pour l’ISAE. Nous travaillons par work-packages, les visio-conférences sont nombreuses, et une synthèse est faite au terme de chaque année universitaire » précise Emmanuel Bénard, enseignant et chercheur à Sup’Aéro, référent pour l’Euroglider côté ISAE. Il poursuit : « ces travaux pratiques viennent très clairement en appui de l’enseignement et sont parfaitement en adéquation avec les aspirations professionnelles de nos étudiants.»
L’avenir, une fois le concept « gelé » avec les « orientations avancées programme » (OAP), passera par la constitution d’un consortium industriel, l’Euroglider bénéficiant du soutien du GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales). « L’AEDEVV va identifier les partenaires industriels et contractualiser les éléments de fabrication en série sous forme de droit de licence » informe Joël Denis. L’optique du made in France sera appréciée, sans être pour autant une obligation…
Rusticité et avancée technologique
lors que l’analyse de nombreux vols de formation sous-tend l’étude aérodynamique, pour optimiser la géométrie et le profil de la voilure, Julien Henry donne des renseignements sur la morphologie (une maquette de 9 mètres d’envergure, basée sur un modèle réduit d’ASH-25 a volé pour valider la configuration générale) retenue pour l’Euroglider : « il sera doté de deux propulseurs au bord de fuite de la voilure [avec des hélices à pales repliables dans le lit du vent relatif]. Un moteur dorsal a également été envisagé, mais n’a finalement pas été retenu ». L’architecture de la motorisation est novatrice, mais pas trop car employée en aéromodélisme. « L’étude porte d’abord sur le planeur, ensuite sur l’adaptation de la motorisation. Le train d’atterrissage fixe pourrait être doté d’une roue motrice, pour permettre au planeur d’aller en piste de manière autonome. Enfin, le tableau de bord sera numérique, mais très simple, il ne sera pas révolutionnaire ». Son élaboration est du ressort du groupe de travail de l’École de l’Air.
Le programme en est à la définition des spécifications détaillées. L’Euroglider devra être capable d’assurer quotidiennement cinq vols de 45 minutes (pour la formation élémentaire, donc) dans une journée, en emportant 190 kg de pilotes équipés de leur parachute individuel. La réflexion sur l’emport d’un parachute global à extraction balistique n’est pas encore tranchée.
Conséquence, l’Euroglider ne sera pas un ULM, mais sera certifié selon la norme CS-22. Ceci pour garantir une charge utile significative et une durabilité de la machine. À terme, les batteries autoriseront ces cinq ascensions journalières à 1 200 m, leur technologie progresse. Auparavant, des solutions intermédiaires de recharge rapide seront expérimentées, pour permettre le cahier des charges des cinq vols consécutifs.
La « logique utilisateur » dictant une certaine rusticité, elle interdit l’usage de panneaux de cellules photovoltaïques, jugés trop fragiles. Un banc d’essai volant – c’est une demande de la DGAC pour le compte de l’autorité de certification, un planeur bimoteur, ça n’existe pas encore… – est
prévu au 2e semestre 2018 pour tester la conduite machine et la motorisation, de même qu’un banc d’essai sol, pour la mise au point de la « chaîne de fonctionnement» (commandes et sécurité) du système propulsif et la gestion de l’énergie, sous la houlette de l’ESTACA. Le premier sera réalisé à partir d’un biplace existant, les batteries étant en place arrière par commodité. Il évoluera
sous statut expérimental et aucune tournée des clubs ne sera envisagée. Les prochaines étapes sont la définition préliminaire, avec « les formes extérieures » définitives, ainsi que les « espaces dédiés à l’intégration des équipements et systèmes ». Le vol inaugural du prototype est espéré pour 2020.
À suivre !
Jean MOLVEAU,
photos auteur et AEDEVV
Une forte mobilisation des étudiants | ||
Le mode de contribution au projet de |
également proposés par Dassault- |
et l’avionneur sur six domaines : |